Ines, 24 ans, et Sem 31 ans, sont sur le point de lancer leur application Onset. Avec cette plateforme web et mobile, ils souhaitent aider les artistes et techniciens en leur facilitant l’accès aux annonces d’emploi et casting dans l’audiovisuel, le spectacle vivant et la photographie. Il espèrent ainsi faciliter l’accès à l’emploi au plus grand nombre, dans un secteur parfois fermé.
Pourquoi avoir fait le choix de la voie entrepreneuriale ?
C’était une évolution assez naturelle, car c’est l’extension de ce que je faisais déjà en tant que réalisatrice, productrice et journaliste. Dans le cinéma à chaque nouveau projet, on part de zéro pour construire un scénario puis faire un film. C’est pareil dans le journalisme, qui demande un esprit créatif pour partir d’une feuille blanche afin de réaliser un reportage ou une enquête. J’aime beaucoup cette idée de construire un projet en partant d’une idée.
Onset, c’est quoi ?
Il s’agit d’une application web et mobile qui recense les offres d’emploi artistiques et les redistribue en fonction des profils. Prenons un ingénieur du son ou une comédienne, par exemple : il pourra recevoir toutes les offres d’emploi et projets qui lui correspond en fonction de son métier, son domaine d’activité et sa localité. En effet, un jeune artiste passe environ 5 heures par jour à rechercher des annonces de projets qui lui correspondent. Tout se passe sur les réseaux sociaux et par connaissance. C’est chronophage et les personnes qui n’ont pas les moyens ou le temps abandonnent. J’ai donc voulu permettre à toutes les personnes d’accéder à ce milieu de façon plus efficace et ciblée, ce qui permettra peut-être aussi de découvrir les talents de demain dans toutes leur diversité.
Il y a donc aussi une idée d’ouverture sociale du monde artistique derrière ce projet ?
Exactement. J’ai grandi en banlieue, je viens d’un milieu plutôt modeste et quand on vient de là, on s’autocensure beaucoup sur nos envies artistiques. Par la suite, j’ai fait mes études à Paris à l’École Supérieure de Journalisme, puis à l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) et je me suis aperçue que plus l’on monte dans ces filières, moins l’on rencontre de gens aux profils socio-économiques différents. Le milieu du cinéma n’est pas une voie qui vient naturellement à l’esprit pour les jeunes de milieux modestes, car ils se disent qu’il faut exercer un métier plus classique, qui permet de gagner sa vie. On pense que ce n’est pas possible, que ce n’est pas quelque chose qui nous correspond. Et je comprends pourquoi c’est compliqué d’y arriver : c’est un chemin semé d’embûches pour accéder à ce milieu très parisien, à forte reproduction sociale… Sur le terrain, j’ai remarqué que de nombreuses personnes rencontraient des difficultés d’accès aux annonces artistiques.
Concrètement, comment fonctionne Onset ?
Il suffit d’indiquer ses filtres pour recevoir les annonces en fonction de ce qu’on recherche parmi les différents champs : audiovisuel (cinéma, court métrage, long métrage…), spectacle vivant (théâtre, danse…) et photographie (exposition, mode…). Cela permet donc de faciliter les échanges entre les artistes, les techniciens et les porteurs de projets. Pour ces derniers également, l’application est d’ailleurs très utile. Aujourd’hui, un réalisateur fait son casting sur Facebook ou Instagram et doit gérer une énorme quantité de candidatures par mail. Généralement, il prend en compte que les premiers mails reçus et non les centaines d’autres qui suivent, alors qu’il passe peut-être à côté du talent dont il a besoin. Avec notre plateforme, il est ainsi plus simple de gérer toutes les candidatures: photo mise en évidence, tableau de gestion des candidatures optimisé pour les recruteurs, etc.
De l’idée au projet, comment s’est concrétisé Onset ?
Nous avons commencé en mai 2018 en même temps que le programme Tous Entrepreneurs d’Article 1. Ce programme nous a vraiment aidé, car en plus de nous accompagner sur notre projet, les responsables s’intéressent à nous, notre parcours, notre évolution… Et puis, ils nous offrent un soutien financier. Nous avions l’idée d’Onset depuis un moment, puis le déclic s’est fait lorsqu’on a voulu organiser un casting et que nous avons trouvé qu’il était laborieux de passer par le processus habituel. Mon associé est ingénieur en informatique il a donc commencé à coder et moi je me suis occupée de la maquette. Nous avons terminé en décembre, puis nous sommes entrés en phase de test et correction de bug. Il faut savoir que nous travaillons aussi à côté, cela fait donc un an que nous y passons toutes nos soirées et week-end pratiquement.
Justement, quand on vient d’un milieu modeste, quelles difficultés rencontre-t-on pour entreprendre ?
La peur des risques. On ne peut pas se permettre de se lancer dans un projet en se disant seulement qu’on y croit, mais que ce n’est pas grave si ça rate. Quand on n’a pas de love money, c’est-à-dire un soutien financier de ses proches, cela demande de travailler à côté, de mener une double vie et donc de faire des sacrifices. C’est d’ailleurs les mêmes problématiques dans le cinéma : c’est un métier passion, mais derrière est-ce qu’on peut en vivre et s’en sortir ? Et si on n’en vit pas tout de suite, comment faire en attendant ? Donc évidemment que ce sont des barrières.
En un an vous avez réussi à monter votre projet, quelles sont les prochaines étapes ?
Après une phase test, nous allons lancer notre plateforme en ligne au mois de mai. Nous sommes également en cours de création d’entreprise. Pour le moment, nous proposons des services gratuits, mais dès l’année prochaine nous proposerons des services payants comme la mise en avant d’un profil. Une sorte d’offre premium qui marcherait sur abonnement. D’ici la fin de l’année, nous souhaitons aussi ajouter de nouvelles fonctionnalités comme la recherche d’écoles, de lieux de tournage ou la location de matériel par exemple. Ce sera un peu Le Bon Coin adapté au marché artistique.
Tous Entrepreneurs est soutenu par la Fondation SFR