Travailleur et débrouillard, Akim a enchaîné les petits jobs dès le plus jeune âge. Désormais consultant, étudiant-chercheur mais aussi entrepreneur, le jeune homme continue de multiplier les casquettes avec entrain et énergie.
On se demande parfois comment il fait. Consultant dans un cabinet de conseil, Akim écrit en même temps une thèse sur la transformation agile des organisations, tout en gérant sa boite dans l’événementiel. Avec pour seul constat, une réplique digne d’un entretien d’embauche :
« Je crois que parfois j’accepte un peu trop de travail, c’est peut-être mon défaut ».
Bref, le genre de personne qui colle à la suite les mots « travail », « dur » et « super » dans la même phrase. Voilà : Akim, presque 25 ans, les tempes déjà grisonnantes et tout juste marié.
Posé dans un café de la Défense, Akim se présente ainsi: « Je suis le dernier d’une fratrie de 12 enfants ». Après l’annonce, il marque un petit temps d’arrêt. Comme pour laisser le temps d’intégrer l’information et de montrer sa stupéfaction. La nouvelle fait chaque fois son petit effet. Neuf frères et deux sœurs exactement. « J’aime dire que je suis un concentré du meilleur de chacun », plaisante-t-il.
Gamin, il accompagne les frangins le week-end sur les marchés de leur village à Cogolin, dans le Var. Le début d’une longue série de jobs jusqu’à aujourd’hui: vendeur, électricien, dépanneur, serveur, plombier, ingénieur son, livreur, maçon, homme de ménage.
« L’éducation que j’ai eue, c’est cette forme d’indépendance par le travail. »
Vers 12 ans, pendant les vacances d’été, il suit son père vendeur de pralines sur les plages de Saint-Tropez. Petite pointe de fierté dans la voix, il se souvient : « j’avais ma plage à moi et j’allais travailler ». Il n’a pas la tchatche du papa, « un commerçant dans l’âme qui avait l’aura et les slogans qu’il fallait pour faire rire et acheter », mais reste motivé par l’idée du pécule qui sera son argent de poche.
Akim aime se projeter. Il rêve d’indépendance, de foyer et futurs métiers. Pharmacien d’abord, « un métier de proximité avec une relation client intéressante qui te permet d’avoir une vie de famille ». Le projet tombe à l’eau lorsqu’il s’oriente en 1er STG.
« Je ne savais pas où j’allais, mais j’avais la certitude que je voulais chercher la réussite et aller loin dans les études. »
Il vise alors les écoles de commerce et part en prépa à Nice. Premiers pas vers l’indépendance. Première gestion hasardeuse du budget aussi. « Ce n’est pas que j’ai flambé, mais disons que j’ai un peu dépensé », tente-t-il de nuancer sourire aux lèvres. La faute, en partie, aux MacBook des camarades qui lui font les yeux doux. Plus classes, c’est sûr, que son premier ordi qu’il s’est construit avec des pièces détachées données par son frère. « Je me suis donc lancé dans un projet d’achat de Mac avec des prêts à taux zéro ». Histoire qui finit mal : l’ordinateur lui est volé, la fratrie vient à la rescousse financièrement.
Fin de première année, Akim improvise son propre séjour linguistique. Il achète un aller simple pour Londres afin d’y travailler l’été. Il cherche dans la restauration avec un CV un peu bidonné : « Je parlais de French Rivieria et de Saint-Tropez pour que ça soit bien vendeur ». Il trouve une place dans un restaurant italien. Ambiance potes de tous les pays : c’est l’ouverture sur le monde.
À 20 ans, il débarque à Paris et intègre l’ISC Paris. « Je n’ai pas encore trouvé le bon mot pour décrire cette année-là… » Galère. Avec une bourse et un peu d’argent mis de côté, il découvre les joies de la vie parisienne. Pour commencer, un loyer en résidence étudiante privée à 800 euros. Ensuite, une école à payer. Seule solution : demander un prêt à taux zéro garanti par l’État. Son banquier se trompe en montant le dossier. Le temps de relancer la procédure, l’État n’a plus d’enveloppe destinée à ce type de prêt pour l’année en cours.
Les mois passent et Akim doit payer un second trimestre d’école. L’argent sort plus qu’il ne rentre. Début d’un cercle infernal : découverts, agios cumulés, loyers impayés, huissiers. Son propriétaire le traîne en justice. « J’avais près de 4 000 euros de dettes. J’ai tout remboursé en travaillant à fond pendant un an et demi. Ce n’était pas facile mais c’était le prix de la tranquillité. » Akim se trouve un job étudiant « génial » de serveur dans une pizzeria du Marais, « une bouffée d’air financière ».
En deuxième année, il intègre la junior-entreprise de son école, une association étudiante qui propose des missions de conseils à des clients prestigieux. Il crée avec ses camarades un concept d’émission politique: Le Grand Oral de l’ISC Paris. Parce que oui, Akim s’y connaît aussi en son, lumière et vidéo. Il a travaillé un été avec l’un de ses frères qui est dans le métier. « Au début, j’ai commencé par plier des câbles tout simplement. Puis, j’ai appris sur le terrain à mixer et à travailler sur le montage de concerts ou de festivals. » Grâce au Grand Oral, Akim se fait un petit réseau dans le milieu. Avec un statut d’auto-entrepreneur, il bosse les week-ends dans l’événementiel. De quoi s’en sortir financièrement.
Puis, Akim fait une année de césure. Il est embauché par son école pour développer deux incubateurs qu’il a initiés avec la junior entreprise : « L’une de mes fiertés. Ils perdurent et ont déjà accompagné plusieurs entreprises qui ont levé des fonds ». En même temps, Akim gamberge à l’un de ses projets : se lancer dans une thèse. Pas forcément nécessaire pour trouver du travail, mais voilà:
« C’était un challenge de me spécialiser davantage et d’acquérir une vraie expertise sur un sujet pour m’épanouir intellectuellement ».
Diplôme obtenu, avec une CIFRE, convention industrielle de formation par la recherche, il s’inscrit à Paris Dauphine et intègre un cabinet de conseil pour effectuer sa thèse dans sa spécialité.
« La pédagogie m’intéresse, j’aimerai bien passer le flambeau… »
Pas prêt de s’arrêter, Akim s’imagine déjà dans quelques années : « Pas professeur à 100%, mais peut-être monter sa propre structure de conseils – formations et coaching ».
*** Par Magali Sennane – J&E Photo ***