Très impliqué dans la lutte contre les inégalités de chances, Julien se fait porte-parole d’une génération de jeunes sans repères. Alors qu’il manquait de confiance en lui, c’est en se faisant accompagner par Passeport Avenir qu’il a compris que d’autres voies lui étaient ouvertes.
Un jour, un journaliste a demandé à Julien : « Etes-vous sûr de bien incarner la discrimination dont souffrent les banlieues ? ». Forcément, quand on parle quartiers, égalité des chances ou discriminations, beaucoup pensent à des jeunes fils ou filles d’immigrés d’Afrique. Julien est blanc et son nom de famille est Ringenbach. N’empêche que la galère, il l’a connue lui aussi. Son père était poissonnier, enchaînant principalement les boulots en intérim. Sa mère, employée chez Carrefour. Les deux ont arrêté l’école au collège. Alors, dès le lycée Julien est en roue libre. « Ils ne savaient pas ce que c’était, ils m’ont donc laissé juger ce qu’il était important de faire ou ne pas faire. »
En classe, il se contente de faire le minimum et avance à tâtons sans réelles ambitions.
« Je ne savais pas ce que je voulais faire. Aujourd’hui encore, je sais seulement que je ne veux pas me retrouver dans la galère dans laquelle j’ai grandi, dans laquelle j’ai vu mes parents se démener pour assurer ».
Dans le monde du travail, c’est un peu pareil. À 18 ans, lorsqu’il cherche des jobs d’été, il ne trouve rien, même chez McDo. « Je n’avais pas les codes, et je pense que je m’y prenais mal », reconnaît-il. Faire un CV, savoir se présenter… Des choses simples, pour certains seulement.
Dans le quartier où il a grandi, à Aubervilliers dans le 93, le jeune homme manque d’exemples. Des figures qui lui montrent que, même quand on vient des quartiers, les études longues, c’est possible. Par chance, il rencontre le directeur de l’IUT de Bobigny qui lui conseille de se lancer dans une classe préparatoire à Noisy-le-Sec.
Cette année-là, Julien décroche son premier CDD d’été grâce à sa prépa. « On était assistant chef de projet. Rien d’extraordinaire, mais ça faisait une première expérience, quelque chose à afficher sur le CV ». C’est vraiment à 20 ans, lorsqu’il occupe un job d’équipier de vente à trimer la nuit, qu’il comprend la signification du terme pénibilité du travail.
« Tu te rends compte de l’utilité de poursuivre tes études. Quand on est jeune, on ne fait pas toujours attention, on s’aventure dans des voies sans trop savoir et au final on peut rester coincé dedans facilement. »
Puis, Julien rêve de grand large. De vieux souvenirs de vacances en famille à Quimper lui ont donné l’envie de vivre près de la mer. C’est ainsi qu’il intègre la Kedge business school à Marseille. Avec une bourse d’environ 500 euros et un prêt de 15 000 euros, il se débrouille comme il peut.
« Disons que… tu ne profites pas vraiment de la vie. Après, il y a une fierté de s’en sortir, je disais toujours à ma mère que ça allait. Ça reste une bonne expérience, ça forge ».
Aujourd’hui, lorsqu’on lui parle priorités et avenir, le regard pensif, il répond simplement : « Jongler entre ma vie personnelle, mon travail et Article 1 ». C’est que, comme une mission personnelle, il s’est fixé l’objectif de promouvoir tant qu’il peut l’égalité des chances. Lorsqu’il intègre la Kedge business school, l’idée lui trotte déjà dans la tête. Rapidement, il s’engage via l’école dans une association qui aide les lycéens en ZEP/REP. En même temps, lui-même se fait accompagner par Article 1. Il rencontre son tuteur qui lui redonne confiance en lui. Au fur et à mesure Julien s’investit davantage dans l’association. Le gamin prend de l’aplomb au point de jouer un rôle de communicant au sein des Different Leaders.
La voix douce, calme et souriant, Julien n’est pas désabusé. Son histoire, son parcours, il s’en sert pour montrer aux jeunes des quartiers que tout est réalisable. L’enfant incertain qu’il était, se sait sur une pente ascendante. A 26 ans, en CDI chez BUT en tant que chef de projet CRM, il assume : « Désormais, je me dis qu’on te paye pour tes compétences et ce que tu vaux. Et, de plus en plus, je me dis que je vaux beaucoup ».
Julien reste toutefois modeste. « L’argent, c’est surtout une clé pour briser les chaînes de la violence du système qu’on s’est prises en pleine face pendant notre jeunesse ». Juste de quoi bien vivre, pour lui et aider sa mère si besoin. Et pour son petit kiffe aussi. Une belle paire de pompes de skateur aux pieds il avoue : « J’ai presque 40 paires de baskets à la maison. Je les collectionne parce que je ne pouvais pas m’offrir celles à la mode quand j’étais ado ».
Sa petite revanche.
*** Par Magali Sennane