"Si ma mère m’avait acheté le scooter dont je rêvais, je ne serais sans doute pas là aujourd’hui. On doit beaucoup à ceux qui nous aiment. Dès lors, c’est naturel de redonner."
Je suis né à Perpignan, d’un père ancien militaire issu d’une famille de 11 enfants. Ses parents se sont séparés très jeunes, mon père est alors devenu un enfant de la Dass au même titre que la plupart de ses frères et sœurs. Ma mère, quant à elle, est espagnole. Elle est arrivée en France à l’âge de 4 ans. Ses parents ne parlaient pas un mot de français. Ils ont fui la misère et le régime de Franco. Avec ses sœurs, Andréa et Sylvia, elle a dû se débrouiller jusqu’à décrocher son bac à Perpignan !
Nous sommes 4 dans la famille. Kévin, mon aîné a 26 ans. Il travaille dans le bâtiment, il a toujours été peu scolaire, plutôt manuel. Je suis le deuxième. Vient ensuite ma sœur Paméla, sans doute la plus scolaire de la bande, bac S avec mention bien, elle baroude aujourd’hui en Amérique latine pendant son année de césure qu’elle s’est octroyée avant d’attaquer son cycle de master. Elle est en master à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille (ENSA) ; elle est de 1 an et demi ma cadette. Le dernier, Steve, a aujourd’hui 13 ans, il est en 4ème au collège Joffre à Rivesaltes près de Perpignan. Jusqu’à mes 16 ans nous avons eu une enfance heureuse, certes modeste, mais heureuse ! Je ne me souviens pas d’être allé au restaurant avec toute ma famille, mes parents et les enfants réunis, ni même en vacances, bien que nous allions parfois voir la famille en Espagne dans le petit village de Villanueva de Alcolea d’où est originaire ma maman. Mon père travaillait à l’usine et gagnait le Smic, ma mère s’est consacrée à s’occuper de nous et du foyer. Quand j’y repense, je me dis qu’on était bien, ma mère ne m’a jamais refusé 5 € pour aller au cinéma avec les amis ou une copine, mais c’est vrai que je n’abusais pas en lui demandant de temps à autre quelques euros. En 2012, nos parents ont divorcé. Cela a été une période très difficile. Ma mère a dû faire des petits boulots, dont des ménages, pour nous.
Aujourd’hui, j’entretiens de très bons rapports avec ma famille maternelle. Ma mère et mes tantes viennent toujours aux nouvelles sur notre conversation de famille Facebook. Elles ont même été renommées « Las Tres Madres » probablement parce que mes tantes n’ont jamais eu d’enfants. Nous entretenons donc une relation particulière avec elles. Nous sommes, mes frères, ma sœur et moi, les seuls petits-enfants de ma grand-mère. Elle, qui est arrivée en France il y a 45 ans, n’a pas appris le français. Depuis notre naissance, elle vit littéralement pour nous ! Elle réclame toujours des nouvelles, des photos et veille à notre bonne santé. Elle vit à Perpignan près de ses filles, dans le même quartier depuis des décennies.
C’est à l’âge de 5 ans que mes parents nous ont proposé de nous inscrire au foot avec mon frère. Cette proposition nous a été faite pour nos loisirs mais aussi et surtout car ils bénéficiaient d’une aide octroyée par la mairie qui leur permettait de nous inscrire sans payer la licence. De ce moment-là, ma passion pour le sport n’a cessé de grandir. Le football pratiqué en loisir dans un premier temps est rapidement devenu un sport de compétition. J’ai appris à aimer m’entraîner dur aux côtés de mes coéquipiers. L’esprit d’équipe et la cohésion dans le groupe me tiennent à cœur. Avec la pratique quasi quotidienne du football, je nourris les valeurs du dépassement de soi et de l’abnégation. Ces qualités sont importantes à mon sens, mais il est une capacité qui m’a réellement permis de m’améliorer et qui m’a toujours suivi, c’est cette capacité à sortir de sa zone de confort. Elle est pour moi capitale car c’est elle qui nous permet d’apprendre le plus sur soi, c’est d’ailleurs pour ça, et sûr de mes capacités sportives, que je me suis inscrit par la suite aux divers cross proposés par mon collège puis à l’escalade au lycée= et enfin au pancrace, un art martial qui cumule plusieurs disciplines (à mille lieux du football). Chaque semaine, je pratique le football et le running. Je participe au championnat universitaire de football (nous sommes arrivés avec mon équipe sur la deuxième marche du podium national en 2018). Quant au running ou à la course à pieds, nous les pratiquons pour des œuvres caritatives : collectes de fonds pour Haïti, cancer du sein… Toutes les occasions sont bonnes pour chausser mes running.
À 17 ans, je me suis orienté en terminal STMG (sciences et techniques du management et de la gestion) non par dépit (car, certains considèrent les bacs technologiques comme une voie de garage) mais plutôt par choix. Mes résultats en seconde me permettaient aisément d’intégrer une filière générale, mais je souhaitais pendant mes années lycée intégrer l’armée de terre et plus particulièrement l’école des sous-officiers de Saint-Maixent. C’était pour moi un excellent moyen d’allier ma passion pour le sport et un niveau bac +2 avec en prime la sécurité financière. C’est à l’issue du premier trimestre de terminale, au cours duquel j’étais largement 1er (ne prenez pas cela pour de l’arrogance, c’est un fait), et avant de remplir nos vœux sur Admission post-bac (APB) que deux de mes professeurs, Mme Espinosa, professeure d’éco- gestion, et M. Benmouffok professeur de droit, m’ont convoqué et parlé des classes préparatoires aux écoles de commerce (CPGE ECT). Je ne connaissais bien entendu pas cette filière d’études, comme aucun membre de ma famille d’ailleurs. Ils me l’ont présentée comme une voie élitiste ouvrant aux grandes écoles de commerce qui permet d’obtenir des postes de cadre à la sortie de l’école. Ils m’ont convaincu. Je me suis lancé dans des recherches… Après des heures et des heures d’investigation, j’ai décidé, encouragé par mes professeurs, d’aller aux journées portes ouvertes au lycée Jules Guesde de Montpellier. Après avoir discuté avec des étudiants et des professeurs de la formation mais aussi de mes recherches, j’ai pris le risque de m’y inscrire… Pour le meilleur et pour le pire…
À l’issue de 2 années de travail intense en classe préparatoire, je passe mes oraux aux quatre coins de la France. Mais l’été 2016, je suis confronté à la réalité du financement. J’entendais pourtant pendant toute ma prépa : « Concentre-toi sur le travail, t’auras une bonne école. » J’étais loin d’imaginer que le critère financier constituerait l’obstacle majeur. Les écoles de commerce sont certes compliquées à intégrer pour les plus prestigieuses, mais surtout caractérisées par leur prix d’entrée élevé… Issu d’une famille monoparentale modeste, je ne pouvais payer 12 000 € de frais de scolarité annuels, ni même emprunter. Aucune banque ne souhaitait me financer au vu de la fragilité de ma caution. Les félicitations obtenues pendant les 2 années de prépa n’y changent rien. C’est à ce moment-là que débute une période que je qualifierais d’errance, à chercher pendant des heures sur Internet par quel moyen je pourrais financer mon école. Je dois trouver l’information qui me permettrait de surmonter cet obstacle… Lorsque je me résous à consulter les cursus que je peux rejoindre en 3e année à la faculté, mon professeur de culture générale de classe préparatoire, ce même homme qui m’avait tant appris en prépa, me parle d’un partenariat entre Article 1 et la Société Générale pour le financement. Enfin, je vois le bout du tunnel.
Je suis déjà mentoré par l’association. Nous participons à des masterclass sur les réseaux sociaux, des cocktails avec des entreprises qu’ils organisent, mais j’ignore totalement cette possibilité de financement. Après de longues discussions avec M. Hugon et Xavier Lafue, directeur Occitanie d’Article 1, nous décidons de monter mon dossier pour demander le financement auprès de la Société Générale avec l’association comme caution. Et ça marche ! Je suis le premier d’une longue série de mentorés Article 1 à bénéficier de ce prêt cautionné par l’association, ce coup de pouce nécessaire à la poursuite de mes études. J’intègre la Toulouse Business School. Je peux réaliser mon projet professionnel et rendre fière ma mère. J’obtiens également une bourse d’études de la fondation TBS, une nouvelle fois soutenu par la Société Générale et d’autres établissements bancaires, ce qui me permet de vivre décemment pendant cette 1ère année d’études. Pour les masters 1 & 2 je n’ai pas d’autres choix que l’alternance. C’est fort de deux étés travaillés en banque et du goût pour ce secteur que je décide d’intégrer la Société Générale en tant qu’apprenti directeur d’agence. En plus d’être extrêmement formateur, cela me permet de payer les frais de scolarité. Je suis apprenti directeur d’agence entre septembre 2017 et août 2019. Je me sens à l’aise et épanoui dans ce travail, en plus d’avoir une rémunération très correcte qui me permet de faire ce que j’ai envie sur mon temps libre. Début 2019, nous sommes partis avec ma sœur parcourir l’Amérique latine. Le Paraguay, le Brésil, l’Uruguay, l’Argentine, nous avons réalisé un grand rêve. Pour le futur, plusieurs propositions me sont faites au sein de la Société Générale. C’est un luxe de pouvoir choisir où travailler et sur quel poste. J’ai choisi de devenir directeur d’agence à Paris. Je n’aurais pas imaginé tout cela il y a encore 5 ans. Si la télévision a joué un grand rôle pour mon ouverture d’esprit (j’ai toujours adoré regarder les informations, c’est grâce à cela que je me suis familiarisé avec les rudiments de l’économie et de la géopolitique), l’amour de ma famille et leur soutien sans faille ont été essentiels et le seront toujours. Aussitôt qu’elle le pouvait, ma mère assistait aux réunions de parents d’élèves. Elle ne manquait jamais de savoir si nous travaillions bien, si nous étions assidus, si nous participions en classe. J’ai souvenir de quelques larmes car à l’époque j’aurais préféré jouer au foot que faire mes devoirs. Au collège, je manquais de maturité, je choisissais les cours auxquels je voulais assister, je préférais rester à la maison jouer aux jeux vidéo. Mais après le divorce quand j’ai vu ma mère faire autant d’efforts, je suis devenu plus responsable. L’été, je travaillais pour venir en aide. Ma mère me le répète encore. Adolescent, je voulais un scooter, j’insistais mais elle refusait. Elle est convaincue : « La liberté que t’aurait donné ce deux-roues t’aurait empêché de devenir l’homme que tu es aujourd’hui. »