L’alternance constitue une vraie chance pour les étudiants issus de milieux populaires, dans la mesure où ce système leur permet de suivre un cursus scolaire tout en étant rémunérés par une entreprise. Mais les places sont limitées. Trop, selon Jennifer. Pour la jeune femme de 24 ans, qui vient d’intégrer une grande école de commerce, le rêve se transforme en parcours du combattant. Récit.
Alicia: Jennifer, tu as intégré une grande école de commerce. Comme tu es boursière, tu voulais suivre tes études en alternance, c’est-à-dire une partie du temps en entreprise. Tu as choisi cette école pour cela, mais il n’y a pas suffisamment de places.
Jennifer: Effectivement, j’ai vite découvert que les places étaient limitées à une vingtaine d’étudiants par an. Pourtant, les demandes n’émanent pas uniquement des étudiants issus de milieux modestes. Lorsque j’ai intégré l’école, toutes les places étaient déjà pourvues… Etre admise dans une telle école, si renommée, était déjà une chance en soi. Je ne pouvais pas abandonner. Je me suis donc endettée la première année, puisque je suis à temps plein à l’école. Mais j’espère être prise en alternance l’an prochain. C’est encore possible.
Alicia : L’accès à l’alternance semble compliqué…
Jennifer : Une fois admis à l’école, on postule en interne. Les places sont limitées et très demandées: une concurrence s’installe alors entre les étudiants afin de les obtenir. De plus, les conditions d’obtention du diplôme -il faut faire un séjour à l’étranger, des stages, valider un certain nombre de cours mais ne pas non plus dépasser ce seuil – sont difficilement conciliables avec l’alternance. L’accompagnement de l’école est inexistant: la négociation avec l’entreprise est réalisée exclusivement par l’étudiant et les emplois du temps ne sont pas aménagés. J’aimerais que mon école accompagne mieux ses étudiants, comme on peut le voir dans d’autres écoles.
Alicia : Comment as-tu vécu cet accès limité à l’alternance?
Jennifer : Le prêt que j’ai contracté cette année a été difficile à accepter, d’autant plus que je ne serai plus boursière d’Etat l’année prochaine. Si je n’obtiens pas d’alternance, je serai certainement contrainte de travailler pendant une année afin de payer ma seconde année d’études. Cela créé des désagréments au quotidien, notamment de l’inquiétude et de l’insécurité. Si l’école nous impose des échanges à l’étranger, il est difficile de le faire sans moyens financiers. J’ai découvert il y a peu que c’est la région qui octroie les places d’apprentissage chaque année, ce n’est pas le simple fait de l’école s’il n’y a pas suffisamment de places. Réussir n’est pas impossible, juste plus difficile. Face à une demande croissante des étudiants, je m’investis afin que le nombre de places augmente.
Alicia : Vraiment ? Peux-tu nous expliquer ta démarche?
Jennifer : En effet, j’ai eu plusieurs rendez-vous avec la directrice de la formation. J’ai également lancé une pétition qui a recueilli plus de 90 signatures en 2 jours. L’école se rend peu à peu compte qu’il existe une véritable demande des étudiants. C’est pourquoi j’aimerais monter un dossier sur les vertus de l’apprentissage, sans pour autant forcer la main de l’administration de l’école. Dans un contexte de compétition accrue, l’idée est simplement de l’amener à réaliser le potentiel de l’apprentissage, source d’avantages compétitifs indéniables pour une grande école de commerce (financements, bien-être et confort des étudiants, professionnalisation, employabilité).
Alicia : Pour finir, qu’est-ce qui te motive dans ton combat?
Jennifer : La diversité générée par l’alternance est une richesse à la fois pour les écoles, les entreprises et les étudiants. C’est pourtant une formation que beaucoup négligent. Je reste néanmoins optimiste!
Interview de Jennifer DE SOUZA réalisée par Alicia K/BIDI, Different Leaders