Les directeurs des écoles normales supérieures viennent de proposer la mise en place d’un bonus en faveur des étudiants boursiers à l’entrée des grandes écoles. Le débat est lancé et il est vif. Notre position est claire : ce bonus est la meilleure voie pour rétablir rapidement l’équité des concours car c’est un bonus au mérite. Il faut le mettre en place non seulement à l’entrée des grandes écoles, mais aussi à l’entrée des autres filières sélectives, comme la médecine, par exemple.
Article 1 accompagne depuis 15 ans des jeunes issus de milieux populaires afin de leur permettre de concourir à armes égales avec les autres étudiants, notamment lors des concours. Nous avons pu mesurer l’efficacité de notre accompagnement : -30% sur l’abandon en prépa ; +40% sur l’intégration d’une grande école. Malheureusement, le mentorat d’Article 1 ne touche que quelques milliers de jeunes. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux. Et l’ouverture sociale des grandes écoles plafonne. Nous allons poursuivre et amplifier notre effort en lien avec nos établissements partenaires. Mais, aujourd’hui, à une heure où notre société s’interroge légitimement sur ses élites, il faut rapidement changer d’échelle.
Pourquoi soutenons-nous ce bonus ?
Léonilde est arrivée seule à 13 ans du Cap vert. Elle ne parlait pas un mot de Français. A 20 ans, elle est admissible à l’Ecole Normale Supérieure. Elle n’a pas été reçue. Pourtant, en simplement 7 ans, malgré des conditions de vie souvent précaires, elle a réussi l’impossible : arriver aux portes d’un des concours les plus sélectifs du pays. Christine, quant à elle, a vécu toute sa jeunesse dans un village des Hauts de France avec son père invalide suite à un accident du travail et sa mère sans emploi stable. Malgré sa mention très bien au bac scientifique, elle a échoué au concours de médecine à deux reprises, contrairement aux autres étudiants qui ont, pour la plupart, recours aux prépas privées.
Pourquoi ont-elles échoué ? N’est-il pas légitime de reconnaître leur mérite ? N’est-il pas légitime de compenser les difficultés rencontrées pour en arriver là ? N’est-il pas légitime de reconnaître leur ambition, leur ténacité, leur résilience, leur capacité d’adaptation au cours de ces années ? N’est-il pas légitime de leur attribuer quelques points supplémentaires par rapport à ceux qui ont eu une vie étudiante plus aisée et confortable ? Nous le croyons.
Ce bonus, n’est pas une mesure d’assistance pour aider les plus défavorisés, par charité ou compassion. Non, c’est une mesure qui permet de reconnaître le mérite particulier de ceux qui sont confrontés à des difficultés très concrètes au cours de leurs études : job étudiant soir et week-end, temps de transport conséquent, chambre partagée ou mal-logement, manque de réseau ou d’appui familial… Nous le constatons bien : ne pas compenser ces réalités revient à évaluer de la même façon des étudiants qui concourent dans des conditions différentes. C’est un système inéquitable.
Un bonus méritocratique
Ce bonus est donc un bonus au mérite, un bonus qui vise à rétablir l’équité des concours.
De plus, sa fixation doit faire l’objet d’un travail rigoureux pour être le plus en lien avec les difficultés rencontrées par ces étudiants. Ni la qualité de boursier, ni même le niveau de bourse ne sauraient suffire. Ses effets devront être par ailleurs régulièrement évalués. Une mise en place hâtive et idéologique serait une erreur parce qu’elle en fragiliserait les fondements.
Mais, reconnaissons la justesse de cette idée simple. Lançons-nous avec audace dans la mise en place d’un bonus au mérite. C’est une contribution à l’ouverture et à la diversification des « élites ». C’est un signal fort adressé aux jeunes issus de milieux populaires : la porte leur est ouverte.